Les derniers moments
Je hais “les derniers moments”… les derniers moments avant de quitter le pays pour de bon, les derniers moments avant de mourir, avant de quitter son job, son mari, sa famille, son appartement.
Car tout semble merveilleux. Tout semble positif. Dans l’ordre. Sans toi.
Tu cours contre le temps. Contre la montre. Contre les projets.
Je hais ces derniers moments car peut être je déteste l’industrie du temps, les minutes, les heures, les secondes…
R* quitte pour le pays la semaine prochaine.
A un moment il apprécie tout. Toute la laideur qui rend ce pays si beau. Il se sent responsable de chaque minute qui passe.
Il contemple les gens dans les rues, (les gens qu’il accusait de vivre à mi-temps). C’est vrai, je pensais ce matin, que nous, les libanais, nous ressemblons à quelqu'un parent à un malade. Et ce malade (le pays) est en soin intensif. Et nous attendons. Pourtant nous savons qu’il ne va pas sortir sain et sauf. Mais nous attendons.
Nous vivons comme si la vie était un devoir, un job de 8 à 8h et puis on rentre pour dormir. Et voila, merci Seigneur. Un jour passe sans aucun grave incident. Une bombe par ci, un incendie par là.
Si vous regardez autour de vous en rentrant le soir, ces libanais qui traînent partout, par défaut de vivre. Par manque de vivre. Par négligence.
Le Liban est le pays des opportunités ratées.
Le pays de Carlos Ghosson et de Fath el Islam.
De Hayfa et de Rima Khcheich, Tanya Saleh, Ghada Shbeir
De Radio Melody et Radio Liban
Du chrétien et du musulman
Des églises et des mosquées.
Des enclaves et des villas.
De toutes les contradictions possibles.
Et tu veux le quitter ? Reste…